Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/301

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de blessés qui défilaient sur deux ponts, — il nous fallut attendre plus de deux heures pour arriver à notre tour. Le ciel était sombre, la canonnade grondait encore de loin en loin, mais les trois batailles étaient finies. On entendait bien dire que nous avions battu les Autrichiens et les Russes à Wachau, de l’autre côté de Leipzig ; mais ceux qui revenaient de Mockern étaient sombres, personne ne criait : Vive l’Empereur ! comme après une victoire. Une fois sur l’autre rive, le bataillon descendit la Partha d’une bonne demi-lieue, jusqu’au village de Schoenfeld ; la nuit était humide ; nous marchions d’un pas lourd, le fusil sur l’épaule, les yeux fermés par le sommeil et la tête penchée. Derrière nous, le grand défilé des canons, des caissons, des bagages et des troupes en retraite de Mockern prolongeait son roulement sourd ; et, par instants, les cris des soldats du train et des conducteurs d’artillerie, pour se faire place, s’élevaient au-dessus du tumulte. Mais ces bruits s’affaiblissaient insensiblement, et nous arrivâmes enfin près d’un cimetière, où l’on nous fit rompre les rangs et mettre les fusils en faisceau. Alors seulement je relevai la tête et reconnus Schoenfeld au clair de lune. Combien de