Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/307

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ce qui me frappa le plus, au milieu de tous ces capitaines qui faisaient trembler l’Europe depuis vingt ans, c’est Napoléon avec son vieux chapeau et sa redingote grise ; je le vois encore passer devant mes yeux, son large menton serré et le cou dans les épaules. Tout le monde criait : « Vive l’Empereur ! » — Mais il n’entendait rien… il ne faisait pas plus attention à nous qu’à la petite pluie fine qui tremblotait dans l’air… et regardait, les sourcils froncés, l’armée prussienne s’étendre le long de la Partha, pour donner la main aux Autrichiens. Tel que je l’ai vu ce jour-là, tel il m’est resté dans l’esprit. Le bataillon s’était remis en marche depuis un quart d’heure quand Zébédé me dit : « Est-ce que tu l’as vu, Joseph ? — Oui, lui répondis-je, je l’ai bien vu, et je m’en souviendrai toute ma vie. — C’est drôle, fit mon camarade, on dirait qu’il n’est pas content… Â Wurtschen, le lendemain de la bataille, il paraissait si joyeux en nous entendant crier : « Vive l’Empereur ! » et les généraux avaient aussi des figures riantes ! Aujourd’hui, tous font des mines du diable… Le capitaine disait pourtant, ce matin, que nous avons remporté la victoire de l’autre côté de Leipzig. » Bien