Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/44

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tristement près de l’âtre où dansait la flamme rouge. Catherine me serrait la main ; moi, le front penché, j’aurais donné ma vie pour rester. Cela durait depuis une bonne demi-heure, lorsque la tante Grédel s’écria :

« Joseph, écoute… il est temps que tu partes ; la lune ne se lève pas avant minuit, il va faire bientôt noir dehors comme dans un four, et par ces grands froids un malheur est si vite arrivé… »

Ces paroles me portaient un coup, et je sentais que Catherine me retenait la main ; mais la tante Grédel avait plus de raison que nous.

« C’est assez, dit-elle en se levant et décrochant le manteau du mur ; tu reviendras dimanche. »

Il fallut bien remettre les gros souliers, les moufles et le manteau de M. Goulden.

J’aurais voulu faire durer cela cent ans, malheureusement la tante m’aidait. Quand j’eus le grand collet dressé contre les oreilles, elle me dit :

« Embrassons-nous, Joseph. »

Je l’embrassai d’abord, ensuite Catherine, qui ne disait plus rien. Après cela, j’ouvris la porte, et le froid terrible entrant tout à coup, m’avertit qu’il ne fallait pas attendre.

« Dépêche-toi, me dit la tante.