Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/57

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orgue, nous vîmes du balcon que la foule avait aussi beaucoup grossi dans l’église : toutes les mères, toutes les sœurs, toutes les vieilles grand-mères, les riches et les pauvres, étaient à genoux dans les bancs, au milieu du plus grand silence, elles priaient pour ceux de là-bas… offrant tout pour les revoir encore une fois !

D’abord je ne compris pas bien cela ; mais tout à coup la pensée me vint que, si j’étais parti l’année d’avant, Catherine serait aussi là pour prier et me redemander à Dieu ; cela me traversa le cœur, je sentis tout mon corps grelotter.

« Allons-nous-en ! allons-nous-en ! dis-je à Brainstein ; c’est épouvantable !

— Quoi ? fit-il.

— La guerre. »

Nous descendions alors l’escalier sous la grande porte, et je traversai la place pour aller chez M. le commandant Meunier, pendant que Brainstein reprenait le chemin de sa maison.

Au coin de l’Hôtel de Ville, je vis un spectacle que je me rappellerai toute ma vie. C’est là qu’était la grande affiche ; plus de cinq cents personnes : des gens de la ville et des paysans, des hommes et des femmes, serrés les uns contre les autres, tout pâles et le cou tendu, la regardaient en silence comme quelque chose