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Le brigadier Frédéric.

brigadier forestier, j’allais avoir droit à ma retraite, et mon poste vous était promis. Sans être riche, j’avais un peu de bien, ma fille pouvait être considérée comme un bon parti. Maintenant je ne suis plus rien ; à dire la vérité, je suis même un homme pauvre. Les vieux meubles qui me restent convenaient à cette maison, quand il faudra les emmener, ils seront un embarras ; et la prairie, que j’ai payée de mes économies, quinze cents francs, aussi par convenance pour la maison forestière, ne vaudra guère plus de moitié, quand il faudra la revendre. Encore les Allemands déclareront peut-être que les biens-immeubles doivent aussi leur revenir. Cela ne dépend que d’eux, puisque le plus fort a toujours raison ! Vous-même, vous allez vous trouver sans place ; votre vieille mère reste à votre charge. L’entretien d’une femme, au milieu de toutes ces misères, peut vous paraître bien pénible… C’est pourquoi, Jean, mon honneur et celui de ma fille m’obligent à vous rendre votre parole. Les choses ne sont plus les mêmes, Marie-Rose n’a plus rien, et je comprendrais qu’un honnête homme, dans une occasion aussi grave, pût changer d’idée.