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Le brigadier Frédéric.

Je me levai, les bras étendus.

« Embrassons-nous, leur dis-je, embrassons-nous ! Vous avez raison. Oui, c’est le devoir de tous les Français d’aller se battre. Ah ! si j’avais seulement dix ans de moins, j’irais avec vous, Jean, nous serions deux frères d’armes. »

Et nous nous embrassâmes tous les trois.

Je pleurais ; j’étais fier d’avoir une fille si brave, si honnête. La résolution de Jean et de Marie-Rose me paraissait donc naturelle. Mais comme nous entendions la grand’mère venir à tâtons de la chambre voisine, en s’appuyant au mur, je leur fis signe de se taire ; et la pauvre femme étant entrée, je lui dis :

« Grand’mère, voici Jean, que monsieur l’inspecteur envoie du côté de Nancy ; il restera là-bas quelque temps.

— Ah ! fit-elle. Il n’y a pas de danger ?

— Non, grand’mère, c’est une commission pour les registres forestiers ; ça ne regarde pas la guerre.

— Allons, tant mieux ! dit-elle. Combien d’autres sont en danger !… On doit être bien heureux de se tenir dehors ! »