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Le brigadier Frédéric.

peines établies par les Allemands contre ceux qui veulent rejoindre nos armées, il me semble entendre en bas marcher de grosses bottes et traîner des sabres, Je descends, je jette un coup d’œil, en entr’ouvrant la porte de la salle pleine de fumée, et puis je remonte, un peu rassuré, me disant qu’il ne faut pas trembler, qu’on traverse des lignes ennemies plus difficiles, que des hommes énergiques se tirent toujours d’affaire.

Ainsi se passa toute cette après-midi. Puis au souper, à mesure que le moment du départ approchait, une tristesse plus terrible et des craintes inconnues, étranges, me gagnaient.

« Allez dormir, disais-je à la grand’mère, la nuit est venue. »

Mais elle ne m’écoutait pas, étant un peu sourde ; elle murmurait ses litanies, et nous nous regardions les uns les autres, échangeant nos pensées d’un signe. À la fin pourtant, la pauvre vieille se leva, les deux mains appuyées aux bras de son fauteuil, en murmurant :

« Bonsoir, mes enfants. Venez, Jean, que je