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Le brigadier Frédéric.

C’était le cantonnier du Bockberg, le nommé Toubac, un homme court, trapu, à barbe noire dont les deux belles et grandes filles passaient pour être les servantes du hautpmann[1] prussien qui vivait chez lui depuis le commencement du siège.

En voyant ce gueux emmener mon bétail, je lui criai :

« Qu’est-ce que vous faites là, voleur ? Voulez-vous bien lâcher mes bêtes, ou je vais vous rouer de coups. »

Alors, à mes cris, le sergent, son piquet d’hommes la baïonnette au bout du fusil, Ykel, Marie-Rose, et la grand’mère elle-même, se traînant et s’appuyant au mur, entrèrent dans la ruelle.

Marie-Rose se mit à crier :

« Mon père, on veut prendre nos vaches. »

Et la grand’mère, d’une voix lamentable dit :

« Mon Dieu ! de quoi vivrons-nous ? ces vaches sont notre seul bien, c’est tout ce qui nous reste ! »

Le sergent, grand, sec, la taille serrée dans son

  1. Capitaine.