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Le brigadier Frédéric.

Cela me causa un déchirement terrible ; je crus que jamais je ne me relèverais de ce coup.

La vieille grand-mère, qui depuis quelque temps ne bougeait presque plus de son fauteuil, et semblait toujours en rêve, se réveilla Marie-Rose poussait des sanglots qu’on entendait jusque dehors, et Calas lui-même, ce pauvre idiot, bégayait :

« Ali ! si j’étais seulement mort à sa place !… »

Et comme nous étions au loin dans les bois, il fallut transporter ma pauvre femme, pour l’enterrer, à l’église de Dôsenheim pendant les grandes neiges. Nous allions à la file, le cercueil devant nous sur la charrette. Marie-Rose pleurait tellement, que j’étais forcé de la soutenir à chaque pas. Heureusement la grand’mère n’était pas venue ; elle S’était assise dans son fauteuil et récitait les prières des morts à la maison.

Nous ne revînmes ce soir-là qu’à la nuit noire. Et maintenant la mère était là-bas sous la neige, avec les anciens Bruat, qui sont tous au cimetière de Dôsenheim, derrière l’église ; elle était là, et je pensais :

« Qu’est-ce que la maison va devenir ? Jamais, Frédéric, tu ne te remarieras ; tu as eu une bonne