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Le brigadier Frédéric.

Toujours ce poids sur le cœur !

« Il n’arrive pas de lettres, tant mieux…, dans un cas de malheur, Marie-Rose m’aurait écrit. Elle n’écrit pas… tant pis !… Peut-être est-elle aussi malade ! »

Ainsi de suite du matin au soir.

Quelquefois, quand des voix bourdonnaient en bas dans la salle, je descendais pour apprendre des nouvelles de la guerre. L’espérance, — ce grand mensonge qui dure toute la vie, — est tellement enraciné dans notre âme, qu’on s’y cramponne jusqu’à la fin.

Je descendais donc, et là, le long des tables, autour du fourneau, des gens de toute sorte, marchands, paysans, rouliers, causaient de combats dans le Nord, dans l’Est, de pillages, de fusillades, d’incendies, de contributions forcées, d’otages…, qu’est-ce que je sais ?

Paris se défendait toujours ; mais du côté de la Loire, nos jeunes troupes avaient été forcées de reculer : les Allemands étaient trop ! Il en arrivait par tous les chemins de fer ; et puis, les armes, les munitions nous manquaient. Cette jeune armée, rassemblée à la hâte, était forcée