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Le brigadier Frédéric.

On avait entendu mes cris, on montait : le père et la mère Michel, je crois. Oui, c’est eux qui firent venir le médecin. Moi, je n’étais plus qu’un être égaré, sans ombre de raison ; mes oreilles bourdonnaient ; il me semblait dormir et faire un rêve épouvantable.

Longtemps après, la voix du docteur Carrière m’éveilla ; il disait :

« Emmenez-le… qu’il ne voie pas cela ! Qu’on l’emmène… »

Des gens me prenaient par les bras ; alors l’indignation me saisit, et je criai :

« Mais non ! monsieur, je ne veux pas qu’on m’emmène… Je veux rester…, c’est ma fille ! Est-ce que vous avez des enfants, vous, pour dire qu’on m’emmène ! Je veux la sauver, moi…, je veux la défendre.

— Qu’on le laisse, fit le docteur tristement ; laissez ce malheureux. Mais il faut vous taire, me dit-il, vos cris peuvent l’achever. »

Je retombai en murmurant :

« Je ne crierai plus, monsieur, je ne dirai plus rien. Qu’on me laisse seulement près d’elle, je serai tranquille. »

Et quelques instants après, M. Carrière