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Le brigadier Frédéric.

rait jusqu’à la fin, qu’il en était sûr ! qu’un homme juste et brave, même au milieu des plus grands malheurs, se montre tel qu’il était dans la prospérité ; que le devoir et l’honneur marchent devant lui ; que sa plus grande consolation et la plus belle, c’est de pouvoir se dire : « Je suis abattu, c’est vrai ; mais mon courage me reste, ma bonne conscience me soutient ; mes ennemis eux-mêmes sont forcés de reconnaître que le sort m’accable injustement. »

Il me parla longtemps de la sorte, brusquement, en se promenant de long en large ; et moi, qui n’avais pu pleurer à l’enterrement de ma fille, je fondis en larmes.

Puis il me dit que le moment était venu de partir ; que la vue des Prussiens m’aigrissait le sang ; qu’il allait me donner une lettre de recommandation pour un de ses bons amis de Paris ; que j’obtiendrais là-bas une petite place, soit au chemin de fer, soit ailleurs ; et qu’ainsi, ma retraite étant liquidée, je pourrais vivre en paix, non pas heureux, mais éloigné de tout ce qui me rappelait sans cesse le souvenir de mes malheurs.

J’étais prêt à faire tout ce qu’il aurait voulu,