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Le brigadier Frédéric.

M. Laroche, au contraire, semblait toujours plus familier avec moi, de sorte qu’à la fin, après trois ou quatre rasades, je trouvai moi-même la chose en quelque sorte naturelle. Parce que sa femme n’était pas là, je pensais qu’il était content de m’avoir, pour causer de l’aménagement des bois, des nouvelles coupes, de notre chemin du Graufthal, et je m’enhardissais à lui répondre en riant, presque sans gêne.

Nous étions ainsi depuis environ vingt minutes, Mlle Virginie venait d’apporter les amandes, les biscuits et le fromage de Gruyère, quand se redressant contre le dos de sa chaise et me regardant d’un air de bonne humeur :

« C’est pourtant agréable, dit-il, de se porter comme nous autres, à notre âge… Ha ! ha ! ha ! nous n’avons pas encore perdu nos dents, père Frédéric !

— Non, non, monsieur l’inspecteur, elles sont bien plantées. »

Et je riais aussi.

« Quel âge avez-vous ? fit-il.

— Cinquante ans bientôt, monsieur l’inspecteur.

— Et moi, cinquante-cinq. Hé ! hé ! c’est égal,