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Le brigadier Frédéric.

Toul, travailler pour, le compte de quelques entrepreneurs, du pays.

— Pourquoi ne prennent-ils pas des Français, ces entrepreneurs ?

— Ah ! c’est que ces bûcherons sont à meilleur marché que les nôtres ; ils travaillent à moitié prix. »

Le capitaine fronçait le sourcil, et tout à coup il me dit :

« Ce sont des espions… des gens qui viennent observer la montagne.

— Comment ! des espions, répondis-je tout étonné ; qu’est-ce qu’ils ; ont donc à espionner chez nous ? Est-ce que nos affaires les regardent ?

— Ce sont des espions prussiens, dit-il d’un ton sec ; ils viennent relever nos positions. »

Alors je crus presque qu’il voulait se moquer de moi, et je lui dis :

« Mais, capitaine Rondeau, tous les plans sont relevés, chacun peut acheter, les cartes du pays, à Strasbourg, à Nancy, partout. »

Mais lui, me regardant de travers, s’écria :

« Les cartes ! Les cartes !… Est-ce que vos cartes disent combien de foin, de paille, de blé,