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Le brigadier Frédéric.

cées, la tête droite, est-ce qu’ils obéissent à un chef en serre-file ? Est-ce que nos bûcherons à nous et tous les bûcherons des montagnes n’ont pas le dos rond et la marche lourde ? Ces gens-là ne sont pas même des montagnards, ils arrivent de la plaine ; ce sont des espions, oui, des espions, et je vais les faire arrêter. »

Et sans écouter ce qu’on pouvait lui répondre, jetant quelques sous sur la table, pour sa tasse de lait, il partit brusquement.

Il était à peine dehors, que tous ceux qui se trouvaient là éclatèrent de rire. Je leur fis signe de se taire, que le capitaine pouvait encore les entendre ; alors ils se serrèrent les côtes, en soufflant du nez et disant :

« Quelle farce !… quelle farce !… Les Allemands venir nous attaquer ! »

Le père Baure, en s’essuyant les yeux avec son mouchoir, disait :

« C’est un brave homme, mais que voulez-vous, il a reçu un atout à Malakof ; depuis l’horloge est dérangée, elle marque midi à quatorze heures. »

Les autres recommencèrent à rire comme de véritables fous, de sorte que moi-même, Geor-