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Le brigadier Frédéric.

« Bah ! je n’ai pas faim, lui répondis-je ; allons dormir, il est tard, cela vaudra mieux. »

Je ne pouvais plus me contenir, la colère me gagnait.

J’entrai dans l’allée, je poussai les verrous, et prenant la lampe je montai. Marie-Rose me suivait ; nous entrâmes dans nos chambres.

J’entendis ma fille se coucher ; moi, longtemps encore, le coude sur la table, regardant la petite flamme jaune devant les vitres noires, où s’agitaient les feuilles de lierre sous la pluie, je restai pensif, clignant de l’œil et me disant :

« Frédéric, il y a pourtant des ânes en ce monde, et ceux-là ne sont pas à la queue ; ils marchent en tâte et conduisent les autres ! »

Enfin, comme la nuit s’avançait, vers deux heures, songeant qu’il était inutile de briller de l’huile pour rien, je me déshabillai et je me couchai en souillant la lampe.

Or, dans cette nuit même du sept au huit août, les Allemands ayant poussé des reconnaissances au loin et reconnu que tous les passages étaient libres, s’avançaient en masse et s’emparaient des défilés, non-seulement de la Zinzel, mais encore de la Zorn, investissant ainsi la place de