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Le brigadier Frédéric.

Notre seule consolation était de vivre au milieu des bois, où ces braves gens n’aimaient pas à se hasarder ; j’en bénissais le ciel tous les soirs. Mais à peine Bismarck-Bohlen fut-il installé, que nous vîmes passer régulièrement matin et soir des gendarmes à cheval dans la vallée, avec leurs casques et leurs grands manteaux, portant les ordres du gouverneur, et des paquets d’affiches que les maires étaient tenus de poser à la porte des mairies et des églises.

Ces affiches promettaient les meilleurs traitements aux fidèles sujets du roi Guillaume, et menaçaient de mort tous ceux qui prêteraient assistance aux Français, qu’elles appelaient « nos ennemis » ! Il était détendu de leur donner du pain et même un verre d’eau dans le malheur, de leur servir de guide, de les cacher dans sa maison ; il fallait les livrer, pour être un honnête homme ; les conseils de guerre devaient seuls vous juger en cas de désobéissance, et la moindre peine pour ces délits était vingt ans de galères et trente-sept mille francs d’amende !

Avec des moyens pareils, Bismarck-Bohlen pouvait se passer de toutes les autres explica-