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— C’est pour toi que je pars ; en gardant ta mémoire
Comme une fleur pour toi je vais cueillir la gloire ;
Car je ne suis encor qu’humble ménétrier,
Et sur le dos mouvant d’un coursier qui s’élance,
Ma main n’a pas brandi la lance,
Ni mon pied foulé l’étrier.

— Mais on dit que là bas des péris et des fées
Auxberceaux des enfans suspendent leurs trophées,
Qu’un rayon du soleil brille dans leurs yeux noirs ;
Et que des oiseaux bleus aux voix harmonieuses,
Pour les vierges capricieuses
Chantent auprès des vieux manoirs.

— Et que me font à moi les yeux noirs des sultanes,
Les oiseaux merveilleux chantant sous les platanes,
Les roses au zéphyr ouvrant leur sein ami,
Le regard des houris qui brille dans les songes,
Et tous ces gracieux mensonges,
Puisque tu m’aimes, Nohémi !

— Ce pays est si loin que je crains que ta voile
Sur les flots inconstans ne perde son étoile.
En me laissant ainsi n’as-tu pas de remords ?
Pour te suivre si loin que ne suis-je hirondelle !
Car je vois la mer infidelle
Hennir comme un coursier sans mors.