Page:Esquiros - Les Hirondelles, 1834.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 80 —

Pourtant, rien n’a changé ; l’onde capricieuse
Coule aussi mollement sur les gazons fleuris,
Et des bois effeuillés la brise harmonieuse
Emporte les débris.

Au lever de l’Aurore, un diamant pétille
Sur la rose entr’ouverte et le lis qui blanchit ;
Puis, entre les rameaux, un doux rayon qui brille
Dans l’eau se réfléchit.

Mais à mes tristes yeux la terre est moins fleurie,
Le printemps plus tardif, les berceaux moins couverts ;
Ce bois semble plus grand, la moisson plus flétrie,
Les peupliers moins verts.

Il me faut un ami pour goûter la nature :
Je voudrais un cœur pur qui comprît mes penchans,
Et qui vît avec moi cette jeune verdure
Dont se parent nos champs.

Une voix qui me dise : Oh ! que la lune est belle,
Que ces arbres sont verts et que le ciel est bleu !
Une main que je presse entre ma main rebelle
En murmurant : Adieu !
 
Mais mon cœur isolé de tout être qui pense,
S’attache aux compagnons de son exil muet,
Comme l’écume aux flots de l’océan immense
Et l’abeille au bluet.