Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/146

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l’abîme, dans cette masse bouillonnante qui oscillait sous la pression des astres ; d’effroyables mouvemens atmosphériques parvenaient souvent à disjoindre la surface calcinée, comme le vent qui rompt la glace ; des courans d’air prodigieux entraînaient ces fragmens divisés dans le liquide, où les uns rentraient en dissolution, tandis que les autres, amoncelés d’étages en étages comme des glaçons que poussent et qu’entassent des autans furieux, élevaient des amas impossibles à détruire. Ainsi se construisait séculairement l’enveloppe solide du globe, coupée çà et là de rides profondes. En même temps l’immense atmosphère qui baignait de ses flots élastiques et mobiles la surface naissante de notre planète n’attendait que l’abaissement de la température pour se précipiter. Le moment arriva. Alors commença une série de phénomènes sans nom, un vaste mouvement d’actions et de réactions chimiques, dont l’imagination s’effraie. Les premières ondées qui frappèrent la croûte brûlante du globe furent relancées vers le ciel en nouveaux gaz, en vapeurs ténébreuses. Age de nuit séculaire et primitive, durant lequel les ombres d’un brouillard étouffant siégeaient à la surface mal éteinte de notre planète, et tenebrœ erant super faciem abyssi ! C’est à la suite de cet étonnant travail de refroidissement que l’eau épandue avec furie, repoussée d’abord, épandue de nouveau, se maintint à l’état liquide et envahit, sous forme de lessive bouillante, la pellicule granitique du monde consolidé. Bientôt ce ne fut plus qu’un grand océan, au-dessus duquel la terre soulevait par endroits sa face noyée et morue.