Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/207

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sépare le jardin du naturaliste des ombrages de Jardin des Plantes, quand le lion se raidit et refusa d’avancer ; on eût dit qu’il flairait dans cette prison de la nature l’odeur de la captivité. Son guide, mécontent, le tira rudement par la corde ; le lion, impatienté, se jeta sur les assistans, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, un domestique, le gardien, et les mordit. Cela fait, l’animal se coucha, fier de sa résistance, contre des arbustes. Cependant l’inconnu qui le conduisait ne voulut pas en avoir le démenti ; un homme, selon lui, ne devait pas céder à une bête. Il reprit le bout de la corde et entraîna le lion, qui suivi. À peine avait-il franchi la première porte du jardin que l’animal sauta contre son guide, lui fit une blessure à la main avec ses dents, et s’échappa. L’alarme ayant été donnée, on ferma toutes les issues. Le lion évadé bondit le long des avenues avec la joie d’un captif qui a recouvré sa liberté. Au bout de sa course insensée, il se laissa enfin reprendre dans des filets qui avaient été tendus par l’artifice des gardiens ; Le conducteur du lion, grièvement mordu, fut pansé chez M. Geoffroy Saint-Hilaire, par les mains délicate d’une jeune femme de la maison. Mais quel fut l’étonnement du grand naturaliste et des siens, en apprenant le lendemain que l’inconnu, pris à ses insignes pour un valet de bête féroce et soigné avec tant d’humanité, n’était autre qu’un avocat célèbre. On s’amusa fort de cette méprise. Par quelle fantaisie, l’éloquence avait-elle voulu se travestir en institutrice de lions ? Dans tous les cas, son coup d’essai ne fut pas heureux, et l’avocat dut s’en tenir