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le jardin des plantes.

pauvre diable n’y entend pas malice ; il se laisse faire avec l’ingénuité de ces écoliers naïfs que nous avons tous connus au collège, si nous n’en avons pas été nous-mêmes. Mais toute cette flatterie n’est qu’une ruse abominable. Au moment où l’innocent se prête à ces avances, l’espion du conseil, l’Omodei de la bande ; lui entr’ouvre les lèvres avec ses ongles et examine l’état de ses dents. Ceci vu, il se retire et va faire son rapport. Les singes échangent entre eux leurs pensées au moyen d’une pantomime brève et saccadée. Si l’étranger est reconnu pour un vigoureux adversaire, on temporise. Il est convenu qu’on attendra une occasion favorable pour l’attaquer par derrière. Cette occasion ne manque jamais. La queue, étant le côté faible de ces animaux, c’est toujours par là qu’ils se trouvent surtout en butte aux agressions. Si nous consultons nos souvenirs, nous trouverons que le sentiment auquel obéissent les singes entre eux est le même qui anime, dans les pensions, les anciens écoliers contre les nouveaux. Ils veulent, comme ils disent, par cette première leçon leur apprend à vivre, c’est-à-dire à se soumettre. Cette épreuve, cette bienvenue, se renouvelle trois ou quatre fois ; c’est le baptême. Quand le nouveau (style d’écolier) est jugé suffisamment averti, on l’admet comme les autres au droit de compagnonnage. Cette république de singes se compose du reste de plusieurs classes, dont les membres se fréquentent entre eux selon leur ordre de dignité. Le degré d’instinct et la force décident du rang que chaque individu doit tenir dans cette société inégale. Les sapajous, qui sont les plus élevés par leur organisation, font la loi aux singes infé-