Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurait régné parmi les hommes la parfaite sociabilité dont j’ai développé les lois. Peut-être cette première innocence n’a-t-elle été, pendant plusieurs siècles, pratiquée que sans réflexion, et, par conséquent, sujette à se corrompre. Cette corruption aura produit la barbarie, le brigandage, dont les malheurs auront appris aux hommes le prix de leur premier état ; ils auront essayé de s’en rapprocher par des lois qui, longtemps très-défectueuses, auront été abrogées par d’autres moins imparfaites : celles-ci ont été, et seront apparemment remplacées par de nouvelles, encore moins fautives ; ainsi de suite, jusqu’à ce que la raison épurée se soit accoutumée à ne plus méconnaître les leçons de la nature, et à ne se livrer constamment qu’à ses impressions. Parvenue à ce terme heureux, la créature raisonnable aura acquis toute la bonté, ou l’intégrité morale dont elle est susceptible : c’est vraisemblablement par ces degrés que la Providence y conduit le genre humain. On a souvent dit que les empires avaient, comme l’homme, leur enfance, leur jeunesse, leur âge mûr, et leur décrépitude ; n’en serait-il pas de même de l’espèce entière pendant un certain nombre de révolutions, qui la porteraient à un état constant d’innocence ?

Mais quittons les hypothèses pour fixer l’idée de mal moral, et la renfermer dans ses justes bornes.

Justes bornes du mal moral.

Il n’y a dans la nature mal physique ni moral respectivement à la Divinité, c’est·à-dire, qu’il n’est entre elle et les êtres créés aucune relation qui lui soit désagréable.

À l’égard de l’homme supposé soumis aux lois primitives de la nature, il n’y a point de mal moral, c’est-à-