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ce qui commence à corrompre les motifs de bienfaisance, ou, au contraire, ce qui peut contribuer à en rétablir l’intégrité ; s’ils eussent voulu découvrir le point vacillant entre la corruption et l’innocence, ce qui partage l’homme entre les vrais devoirs de l’humanité et quantité de pratiques minutieuses qualifiées du nom de bonnes actions, qui l’empêchent de nuire sans le rendre bienfaisant, et le tiennent comme suspendu entre ces deux partis, ils n’avaient qu’à jeter les yeux sur des peuples gouvernés par des lois, une morale pour ainsi dire mi-partie d’espérance et de crainte ; ils auraient facilement aperçu que ce funeste équilibre est celui d’une nation, ou prête à retomber dans la barbarie, ou prête à se rapprocher des lois de la nature, si elle est assez heureuse pour saisir l’instant favorable.

III. Caractère des nations les plus humaines.

Un troisième phénomène très-remarquable, c’est que par toute la terre les nations les plus humaines, les plus douces, ont toujours été celles chez lesquelles il n’y a presque point eu de propriété, ou celles qui ne l’ont point encore universellement établie ; les nations, par conséquent, les plus désintéressées et les plus bienfaisantes, au moins envers leurs citoyens. Il n’est pas moins remarquable que ces nations n’adoraient, pour la plupart, que des choses qu’elles imaginaient divines, parce qu’elles les éprouvaient bienfaisantes, comme le soleil, les astres, les éléments, et que chez elles il n’y avait que peu ou point de prêtres. Si les notions d’une Divinité pouvaient mieux se perfectionner chez ces peuples que chez tout autre, sans changer leurs mœurs, ne doit-on pas inférer qu’il en serait de même à tous égards des nations qui ren-