Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/184

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actuels, ce qui lui suffit chaque jour pour le soutien ou les agréments de sa durée ; le champ n’est point à celui qui le laboure, ni l’arbre à celui qui y cueille des fruits, il ne lui appartient même des productions de sa propre industrie que la portion dont il use ; le reste, ainsi que sa personne, est à l’humanité.

Premiers effets de l’opposition de sentiments que la propriété individuelle fit éclater.

…… On commença d’abord par persuader aux hommes qu’il serait à propos que les terres fussent partagées entre les chefs de chaque famille, et la nation distribuée en différentes peuplades qui n’eussent rien de commun entre elles. Déjà les termes odieux de commerce, de change, de salaire, prenaient dans le langage la place des secours généreux de l’amitié ; on connaissait et on voulait faire usage du tien et du mien ; on entendit prononcer sans frémir le funeste signal de toute discorde : à chacun le sien.

Voici de quelle manière on dit que la propriété, épouse successive du pouvoir arbitraire et du sort, et marâtre de la triste indigence, établit son autorité. Assise sur un amas de biens devenus inutiles, elle adresse ces paroles à cette fille infortunée qui lui demande quelques secours : « Pourquoi le sort t’a-t-il donné le jour lorsque mes bienfaits sont distribués ? mes dons sont irrévocables, tu n’as plus rien à prétendre sur la terre ; vois ces campagnes fertiles, ces arbres couverts de fleurs et de fruits, il ne t’est plus permis d’y toucher ; j’en ai fait le partage de mon fils bien-aimé, tu ne dois plus rien attendre que de lui ; mérite ses faveurs par d’immenses travaux ; l’affreuse nécessité de