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Origine des vertus factices que la considération d’un vil intérêt

Les hommes, réfléchissant enfin sur des maux qui ne faisaient qu’empirer leur condition, cherchèrent des moyens plus doux, les uns pour conserver ce que le sort leur avait donné en partage, les autres pour obtenir des secours. Ceux en qui les passions se trouvèrent moins vives en donnèrent l’exemple aux autres ; mais, oubliant la cause première de leurs fureurs précédentes, ils en eurent horreur, et s’en excusèrent sur la nature même : ils crurent que le cœur humain naissait imprégné de leurs poisons avec un penchant pervers à la rapine. Le père, peu attentif aux premières impressions de ses funestes exemples sur l’âge le plus tendre, voit ses enfants se disputer avec colère une place au soleil, un chétif amusement ; il les croit comme soi d’une nature méchante et corrompue, parce qu’il n’a pas remarqué qu’en mille occasions, ses dons, ses préférences versent sur eux les premières semences de la contagion dont ses pères l’ont infecté lui-même.

Sur ces principes, les hommes raisonnèrent ou agirent comme s’ils avaient raisonné ainsi : Nous naissons méchants ; mais quelque dépravés que nous soyons, nous sommes sensibles aux bienfaits ou aux caresses de la reconnaissance ; les soins de nos pères et notre soumission à leur volonté nous le font éprouver. Agissons de même, dit l’indigent, envers celui que le sort a placé avantageusement ; tâchons d’obtenir de lui, par des égards flatteurs, des secours qu’il nous coûterait trop cher de prétendre obtenir par force. Le riche dit : N’irritons point le malheureux ; ne lui faisons point sentir la rigueur de son état ;