Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en sentir la cause, en remarquer les effets, en prévoir les dangereuses conséquences, êtes-vous excusables d’avoir adopté ces erreurs, d’en avoir favorisé le progrès, de les avoir multipliées comme les nations, au gouvernement desquelles vous les avez fait servir de règles ?

Telles sont, en général, les méprises invétérées que l’on attaque dans la Basiliade ; et voici en peu de mots les vérités que je prétends établir dans cet ouvrage.

État de l’homme au sortir des mains de la nature, et ce qu’elle a fait pour le préparer à être sociable.

L’homme n’a ni idées ni penchants innés. Le premier instant de sa vie le trouve enveloppé d’une indifférence totale, même pour sa propre existence. Un sentiment aveugle, qui ne diffère point de celui des animaux, est le premier moteur qui fait cesser cette indifférence. Sans entrer dans le détail des premiers objets qui font sortir l’homme de cet engourdissement, ni de la manière dont cela s’opère, je dis que ses besoins l’éveillent par degrés, le rendent attentif à sa conservation ; et c’est des premiers objets de cette attention qu’il tire ses premières idées.

La nature a sagement proportionné nos besoins aux accroissements de nos forces ; puis en fixant le nombre de ces besoins pour le reste de notre vie, elle a fait qu’ils excédassent toujours de quelque chose les bornes de notre pouvoir. On va voir les raisons de cette disposition.

Si l’homme ne trouvait aucun obstacle à satisfaire ses besoins, chaque fois qu’il les aurait contentés, il retomberait dans sa première indifférence, il n’en ressortirait que lorsque le sentiment de ces besoins renaissants l’agi-