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trueuses productions des égarement de l’esprit et du cœur. La raison, dis-je, de tous ces effets peut se tirer de l’obstination générale des législateurs à rompre ou laisser rompre le premier lien de toute sociabilité, par des possessions usurpées sur le fonds qui devait indivisiblement appartenir à l’humanité entière.



Combien il était facile aux premiers législateurs de reconnaître les
intentions de la nature ; et d’y conformer leurs institutions.


Mais, répliquera-t-on, était-il bien possible que les premiers législateurs de notre continent poliçassent les peuples, comme vous prétendez qu’ils auraient dû le faire ? et quand ils l’auraient pu, leurs lois, leurs institutions n’auraient-elles pas été aussi sujettes à la corruption et aux changements qu’elles le sont ?

Je réponds premièrement que la plupart des peuples qui, de notre connaissance, se sont les premiers soumis à des lois, n’étaient point dans ces temps aussi nombreux qu’ils le sont devenus : ainsi, selon l’objection même que vous m’avez faite ci-devant, c’est là précisément ce qui a facilité les législations et ce qui en aurait favorisé de meilleures ; de plus, ces peuples indigènes[1] ou colons devaient être à peu près ce que sont, depuis un grand nombre de siècles, les nations de l’Amérique septentrionale : il était donc facile à leurs sages d’établir leurs lois sur les vrais fondements de la nature ; ils étaient alors presque à nu et sans rupture, ces solides fondements qu’il faut aujourd’hui creuser avec tant de peine ; quand ils

  1. On entend ici par peuple indigène, celui qui habite un pays depuis un temps immémorial ; et par colon, celui qui s’y établit par colonie.