Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/110

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ferrée. Cependant que nous étions là, moi prenant les châtaignes, une à une, dans la poche du tablier de ma mère, elle songeant tristement, voici qu’une grande voiture à caisse noire, longue, en forme de fourgon couvert et percée seulement sur les côtés de petits fenestrous grands comme la main et grillés de fer, s’arrêta devant la prison. Un homme en descendit, en uniforme gris, avec un briquet pendu à une buffleterie blanche, et s’en fut frapper à la porte de la prison qui s’ouvrit et se referma sur lui.

Aussitôt arrivèrent des enfants, des curieux, des gens de loisir, qui s’attroupèrent autour de la voiture, disant entre eux :

— Voilà la galérienne qui va emmener ceux qui ont été condamnés dernièrement.

Nous nous étions levés transis, ma mère et moi, oyant ça, lorsque la porte se rouvrit, et l’homme au briquet en sortit, précédant un gendarme après lequel venaient trois hommes enchaînés, dont le dernier était mon père ; un autre gendarme les suivait. L’homme gris ouvrit derrière la voiture une petite porte pleine, solidement ferrée, et fit monter les condamnés. En voyant ainsi partir mon père, sans nous être fait les adieux, nous autres jetions les hauts cris en pleurant ; mais lui, quoique poussé par les gendarmes, se retourna et cria à ma mère :

— Du courage, femme ! pense au drole !

Là-dessus, un gendarme monta derrière lui, la porte fut refermée à clef, l’autre gendarme se