Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/121

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ment dans les montées, descendaient dans les descentes, sans remblais ni déblais, gazonnées par places, ravinées par d’autres, et s’en allaient directement où elles devaient aller, sans chercher de détours, tristes et grandioses entre les immenses bois noirs qui les bordaient. Quelquefois, en voyant, l’espace d’une demi-lieue, ces routes s’allonger tout droit, jusqu’en haut d’une côte, sans un voyageur, sans un passant, pierreuses, arides ou verdissantes, défoncées, envahies çà et là par les herbes sauvages ou des bruyères rases, il semblait que sur cette voie déserte, ruinée, allaient apparaître, escortés par des cavaliers de la maréchaussée prévôtale, les mulets du fisc portant les écus de la taille et de la gabelle dans les coffres du Roy. Ailleurs, dans une combe sauvage, traversée par la route, c’était un fond d’aspect sinistre, humide l’été, dont l’hiver faisait une fondrière, loin de toute habitation, en plein bois, entouré de halliers épais : lorsque tombait la nuit, on se prenait à regarder autour de soi, comme si des voleurs de grand chemin étaient prêts à sortir des taillis sombres. Outre ces grands chemins, il y avait des pistes tracées par les charrettes qui enlevaient les brasses de bois, pistes qui s’effaçaient après l’exploitation des coupes, et des petits sentiers de braconniers qui s’enfonçaient dans les fourrés, serpentaient sous les taillis, suivaient les combes, contournaient les coteaux, ou s’entre-croisaient à leur cime où était un poste pour le lièvre.