Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/123

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les puys, les coteaux et les vallons s’enchevêtraient et s’étageaient pour gagner les plateaux du haut Périgord, tandis qu’au midi, dans le lointain, au delà de la Vézère, les grandes collines du Périgord noir fermaient l’horizon bleuâtre. Autour de moi, nul bruit : quelquefois seulement, le battement d’ailes d’un oiseau effarouché, ou le passage, dans le fourré, d’un renard cheminant la queue traînante. Au loin, c’était le jappement clair d’un chien labri sur la voie du lièvre, ou la corne d’appel de quelque chasseur huchant ses briquets, ou bien encore une vache bramant lamentablement après son veau, livré au boucher de Thenon.

Puis, quand venait le midi, l’Angélus tintait à tous les clochers d’alentour, Fossemagne, Thenon, Bars, Rouffignac, Saint-Geyrac, Milhac-d’Auberoche, et la musique de toutes ces cloches aux sonorités variées, s’épandait sur la forêt silencieuse. Je restais là, enjuché sur mon arbre, des heures, rêvant à ces choses vagues qui passent dans les têtes d’enfants, aspirant les senteurs agrestes qui montaient de la forêt, vaste herbier de plantes sauvages chauffé par le soleil, écoutant le coucou chanter au fond des bois, et, plus au loin, un autre lui répondre, comme un écho affaibli. D’autres fois, c’était un geai miauleur, qui s’était appris à imiter les chats, autour des maisons, à la saison des cerises, et qui s’envolait bientôt en m’apercevant.

J’aimais cette solitude et ce quasi silence, qui