Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/147

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d’une fois, et, l’embrassant aussitôt, je me mis à grimper.

À mesure que je montais, je découvrais le feu, et, arrivé au faîte, l’incendie m’apparut dans toute son étendue. La forêt de l’Herm brûlait sur une demi-lieue de largeur, semblable à un grand lac de feu. Les taillis, desséchés par la chaleur, flambaient comme des sarments ; les grands baliveaux isolés au milieu de l’incendie résistaient plus longtemps, mais, enveloppés par les flammes, le pied miné, ils finissaient par tomber avec bruit dans l’énorme brasier où ils disparaissaient en soulevant des nuages d’étincelles. La fumée chassée par le vent découvrait ce flot qui s’avançait rapidement, dévorant tout sur son passage. Les oiseaux, réveillés brusquement, s’élevaient en l’air, et, ne sachant où aller dans les ténèbres, voletaient effarés au-dessus du foyer géant. Sur le sourd grondement de l’incendie s’élevaient dans la nuit les pétillements du bois vert se tordant dans la flamme, les craquements des arbres chus dans l’amoncellement de charbons ardents, et les voix des gens affolés travaillant à préserver leurs blés mûrs. Dans les clairières, des langues de feu s’allongeaient comme d’immenses serpents, et s’arrêtaient finalement à la lisière des bois. Sur le seuil des maisons d’alentour, inondées d’une aveuglante lumière, des enfants en chemise regardaient tranquillement brûler la forêt du comte de Nansac. Les lueurs de l’immense embrasement se