Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/15

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me tardait de voir tout ce qu’elle en racontait. Nos sabots sonnaient fort sur le chemin durci, à peine marqué dans la lande grise et bien faiblement éclairé par le falot que portait ma mère. Après avoir marché un quart d’heure déjà, voici que nous entrons dans un grand chemin pierreux appelé lou cami ferrat, c’est-à-dire le chemin ferré, qui suivait le bas des grands coteaux pelés des Grillières. Au loin, sur la cime des termes et dans les chemins, on voyait se mouvoir comme des feux follets les falots des gens qui allaient à la messe de minuit, ou les lumières portées par les garçons courant la campagne en chantant une antique chanson de nos pères, les Gaulois, qui se peut translater ainsi du patois :


   Nous sommes arrivés,
   Nous sommes arrivés,
   À la porte des rics, (chefs)
  Dame, donnez-nous l’étrenne du gui !…
   Si votre fille est grande,
  Nous demandons l’étrenne du gui !
  Si elle est prête à choisir l’époux,
  Dame, donnez-nous l’étrenne du gui !…
  Si nous sommes vingt ou trente,
  Nous demandons l’étrenne du gui !
Si nous sommes vingt ou trente bons à prendre femme,
  Dame, donnez-nous l’étrenne du gui !…


Lorsque nous fûmes sous Puymaigre, une autre métairie du château, ma mère mit une main contre sa bouche et hucha fortement :

— Hô, Mïon !