Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/166

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me voyant, il s’arrêta et me dit avec une voix forte, mais bonne pourtant :

— Que fais-tu là, petit ?

Je m’étais levé, et, pendant que je lui racontais mon histoire, en gros, il me regardait d’un air de compassion. J’étais bien fait pour ça, car, depuis que je traînais mes habillements, ils étaient en guenilles. Ma culotte trouée laissait voir ma peau, et, toute effilochée, ne me venait guère qu’au-dessus du genou, tenue tant bien que mal par une cheville de bois à mode de bouton. Ma veste était de même, déchirée partout, et ma chemise, sale, usée et toute percée. Mes pieds nus et poussiéreux étaient égratignés par les ronces, et mes jambes de même. J’étais nu-tête aussi, mais, dès cette époque, j’avais une épaisse tignasse qui me gardait du soleil et de la pluie. À mesure que le curé m’examinait, je voyais, dans ses yeux couleur de tabac, sourdre une grande pitié. C’était un homme de taille haute, fort, aux cheveux noirs grisonnants, au front carré, aux joues charbonnées par une barbe rude de deux jours. Son grand nez droit, charnu, partageait une figure maigre, et son menton avancé, avec un trou au milieu, finissait de lui donner un air dur qui m’effrayait un peu ; mais ses yeux, où se reflétait la bonté de son cœur, me rassuraient.

Quand j’eus fini de parler, le curé me dit :

— Viens avec moi.

La maison curiale était là, tout près de