Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/17

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femmes : « Voici que le vieux Noël plume ses oies ». La porte extérieure, renforcée de gros clous à tête pointue pour la garder jadis des coups de hache, était ce soir-là grande ouverte, et donnait accès dans l’enceinte circulaire bordée d’un large fossé, au milieu de laquelle était le château. Cette porte était percée dans un bâtiment crénelé, défendu par des meurtrières, maintenant rasé, et, sous la voûte qui conduisait à la cour intérieure, un fanal se balançait, éclairant l’entrée et le pont jeté sur la douve.

Au fond de l’enceinte de murs solides et à droite du château, on voyait briller les vitraux enflammés d’une chapelle qui n’existe plus ; ma mère tua son falot et nous entrâmes.

Que de lumières ! Dans le chœur de la chapelle, le vieil autel de pierre en forme de tombeau en était garni, et voici qu’on achevait d’éclairer la crèche de verdure faite dans une large embrasure de fenêtre. Après s’être signés avec de l’eau bénite, les gens allaient s’agenouiller devant la crèche et prier l’enfant Jésus qu’on voyait couché dans une mangeoire sur de la paille reluisante comme de l’or, entre un bœuf pensif et un âne tout poilu qui levait la tête pour attraper du foin à un petit râtelier. Que c’était beau ! On aurait dit une croze ou grotte, toute garnie de mousse, de buis et de branches de sapin sentant bon. Dans la lumière amortie par la verdure sombre, la sainte Vierge, en robe bleue, était assise à côté de son nouveau-