Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/184

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Et les autres faisaient :

— À la bonne heure, monsieur le curé ; n’ayez crainte, nous ne l’oublierons pas.

Il est vrai qu’aux étrennes, les gens, reconnaissants, portaient bien des affaires à la maison curiale : c’était une paire de chapons, ou de poulets, ou des œufs, ou un panier de pommes, ou un lièvre, ou une bouteille de vin pinaud, ou un quarton de marrons, ou quelque chose comme ça. Il y eut même, une fois, une pauvre vieille qui lui apporta trois ou quatre douzaines de nèfles dans les poches de son devantal, et, comme elle s’excusait de ce qu’elle n’en avait pas davantage et puis qu’elles n’étaient pas trop mûres, le curé lui dit de bonne grâce :

— Merci, merci bien, mère Babeau ; celui qui donne une pomme, n’ayant que ça, donne plus que celui qui offre un coq d’Inde de son troupeau.

Et comme son cœur était réjoui, ce jour-là, de voir combien tout ce peuple l’aimait, il ajouta en souriant ce dicton du chevalier :


Avec le temps et la paille, les nèfles mûrissent.

Mais ces affaires qu’on lui portait ne restaient pas toutes chez lui ; il en redonnait la moitié à ses pauvres, et, si la Fantille ne s’était pas fâchée et n’avait pas serré les cadeaux, il aurait, ma foi, tout donné. Ainsi, lorsqu’on lui offrait une bonne bouteille d’eau-de-vie, bien sûr qu’elle était pour le vieux La Ramée : — ça n’était pas son nom, mais on ne l’appelait pas autrement.