Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/192

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leur ? as-tu quelque idée pour un métier quelconque ?

— Monsieur le curé, je ferai ce que vous me conseillerez.

— Cela étant, mon ami, je te conseille de te faire cultivateur. C’est le premier de tous les états, c’est le plus sain, le plus intelligent, le plus libre. C’est, vois-tu, le travail des champs qui a libéré de la servitude le peuple de France, et c’est par lui qu’un jour la terre sera toute aux paysans… Mais n’allons pas si loin. Comme je me doutais de ta réponse, voici comment j’ai arrangé les choses avec M. le chevalier. Tu travailleras le jour à la réserve avec Cariol : c’est un bon ouvrier terrien qui te montrera à labourer, sarcler, biner, faucher, moissonner, façonner les vignes, et le reste. Tu vivras avec lui et la Toinette chez M. le chevalier, mais tu coucheras ici, parce que, le soir, je pourrai encore te donner quelques leçons et t’enseigner des choses qui te seront utiles plus tard. Nos bonnes gens de par là, qui ont vu leurs anciens ne sachant ni A ni B, et qui sont eux-mêmes aussi ignorants, disent qu’il n’est pas besoin d’en savoir tant pour cultiver la terre ; mais ils se trompent. Un paysan un peu instruit en vaut deux, sans compter que celui qui ne connaît pas l’histoire de son pays, ni sa géographie, n’est pas Français, pour ainsi parler : il est Fanlacois, s’il est de Fanlac, et voilà tout. De même, celui qui ne sait ni lire ni écrire, c’est comme s’il avait un sens de