Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/21

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d’autres étaient en doute, car de vrais incrédules point. Ma mère s’en fut allumer notre falot à la cuisine dont la porte ouverte flambait au bas de l’escalier de la tour. Quelle cuisine ! sur de gros contre-hâtiers de fer forgé, brûlait un grand feu de bois de brasse devant lequel rôtissait un gros coq d’Inde au ventre rebondi, plein de truffes qui sentaient bon. Au manteau de la cheminée, un râtelier fait à l’exprès portait une demi-douzaine de broches avec leurs hâtelets, placés par rang de taille. Accrochées à des planches fixées aux murs, des casseroles de toutes grandeurs brillaient des reflets du foyer, au-dessous de chaudrons énormes et de bassines couleur d’or pâle. Des moules en cuivre rouge ou étamés étaient posés sur des tablettes, et encore des ustensiles de forme bizarre dont on ne devinait pas l’usage. Sur la table longue et massive, des couteaux rangés par grandeur sur un napperon, et des boîtes en fer battu, à compartiments, pour les épices. Deux grils étaient là aussi, chargés, l’un de boudins, l’autre de pieds de porc, tout prêts à être posés sur la braise qu’une fille de cuisine tirait par côté de la cheminée. Il y avait encore sur cette table des pièces de viande froide et des pâtés qui faisaient plaisir à voir dans leur croûte dorée.

Ayant allumé son falot, ma mère remercia et donna le bonsoir à ceux qui étaient là. Mais les deux femmes seules le lui rendirent. Quant au chef cuisinier qui se promenait, leur donnant