Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

min, dans une espèce de communal, est bâtie la vieille chapelle aux deux pignons ornés de figures grimaçantes. Autour, l’herbe pousse maigre et courte sur le terrain pierrailleux et sablonneux ; mais, tout contre les murs, la terre bien fumée par les passants fait foisonner des orties, des carottes sauvages, des choux d’âne, des menthes âcres d’une belle venue. En temps ordinaire, cet endroit a l’air triste, abandonné, et cette construction, aux murs noircis par les siècles, ressemble à une grande chapelle de cimetière.

Au contraire, les jours de pèlerinage, le lieu est bruyant et animé. On y vient de loin, plus que de près : les saints sont comme les prophètes, ils n’ont pas grand crédit chez eux. Les paroisses des environs, au-dessus et en aval de Montignac y envoient bien des pèlerins, mais c’est surtout les gens du bas Limousin qui y affluent. Seulement, comme à ces Limougeaux la dévotion ne fait pas perdre la tête, quoiqu’ils en aient une bonne suffisance, ils apportent dans les bastes ou paniers de leurs mulets, des fruits de la saison, mais surtout des melons. C’est la fête des melons, on peut dire, tant il y en a. Sur des couches de paille, ils sont là étalés, petits, gros, de toutes les espèces : ronds comme une boule, ovales comme un œuf, aplatis aux deux bouts, melons à côtes, lisses, brodés, verts, jaunes, grisâtres, est-ce que je sais ? Et il s’en vend ! C’est du fruit nouveau pour le pays, car les environs de Brives et d’Objat