Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

assez d’esprit. Et puis il y a la joie de la présence, il y a les yeux qui parlent aussi, les mains qui se serrent, et on regarde les lèvres s’agiter vives et souriantes, et on est heureux des petits rires musiqués qui laissent voir les dents saines et blanches.

Pendant que nous étions à caqueter, la procession arriva. En tête, comme de bon juste, le marguillier portant la croix, petit homme brun, qui avait l’air pas mal farceur, et se réjouissait d’avance, ça se voyait dans ses yeux pétillants, de ce que cette journée allait lui rapporter. Ensuite, sur deux files, les pèlerins les plus dévots, qui sortaient d’ouïr une messe à la paroisse, et venaient encore à celle de Saint-Rémy bien plus estimée ce jour-là. Ces pèlerins, c’étaient des femmes des paroisses des environs de Montignac ; puis celles venues du causse de Salignac, qui tire vers le Quercy, coiffées de mouchoirs à carreaux rouges et jaunes, habillées de cotillons de droguet avec des devantaux rouges ; puis d’autres du causse de Thenon et de Gabillou, en bas bleus, avec des coiffes à barbes et des fichus d’indienne à grandes palmes, retenus par devant avec leur tablier de cotonnade. Et puis, pour la plus grande part, c’était des femmes du bas Limousin, tirant vers la frontière de l’Auvergne, habillées de cadis, coiffées de bonnets en dentelle de laine, noirs, comme des béguins, avec par-dessus des chapeaux de paille, noirs aussi, à fonds hauts avec des rebords par devant sem-