Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/226

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tait le saint, chacun le voulait, quelquefois deux le tenaient en même temps et le tirassaient, chacun de son côté, d’où il s’ensuivait des paroles à voix étouffée :

— C’est à mon tour !

— Non, c’est à moi !

— Ça n’est pas vrai !

Et cependant le curé, qui avait vu ça d’autres fois, récitait ses versets d’évangile au milieu d’un bruit sourd, et l’on entendait les sous tomber dans la soupière d’étain que le marguillier fatigué avait posée sur une chaise.

— Sortons, — dis-je à Lina et à son amie, après avoir longtemps regardé faire les gens.

Et, une fois dehors, je respirai fortement, content d’être en plein air. Puis, après nous être promenés un moment, je menai les deux droles à l’ombre d’un noyer, sur le bord d’un pré, en leur disant :

— Ne bougez pas d’ici, je reviens coup sec.

Et j’allai acheter un melon, des pêches, un pain de choine, et je fis tirer une bouteille de vin à une barrique d’un homme de la côte des Gardes au-dessus de Montignac, où l’on faisait de bon vin en ce temps-là. J’en avais en tout pour quatorze sous ; alors les choses n’étaient pas chères comme aujourd’hui.

Lorsque les droles me virent revenir ainsi chargé, elles s’écrièrent :

— Ho ! qu’est-ce tout ceci ?

— Eh bien, leur dis-je, voilà les curés qui