Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle écouta le récit de tout ce qui était arrivé, puis soupira fort :

— La sainte Vierge le sait bien ! je t’aime autant pauvre que riche ! Pourtant, je regrette qu’il en soit ainsi advenu : si le testament du défunt curé avait été bon, peut-être ça aurait aidé à notre mariage qui n’est pas en bon chemin, tant s’en faut !

Et alors elle me raconta toutes les misères que lui faisait sa mère, et, chose qui lui était plus dure encore, les honnêtetés de Guilhem, qui prenait sa défense contre cette vieille coquine. Tout ça, sans parler de la honte qu’elle avait de ce qui se passait sous ses yeux, car ces misérables ne se cachaient guère, la Mathive encore moins que son goujat.

— Écoute, lui dis-je, si ça arrive à un point que tu ne puisses plus supporter tes chagrins, et si nous ne pouvons pas nous rencontrer, fais-le-moi savoir par la Bertrille : j’irai tous les dimanches à Bars à cette fin. D’une manière ou d’autre, nous tâcherons d’y remédier ; Jean est un homme de bon conseil, et puis j’irai trouver M. le chevalier et le juge ; il doit y avoir des lois pour empêcher des choses comme ça : prends donc courage, ma Linette !

Et nous restâmes un moment en silence, étroitement embrassés, tellement que je sentais le cher petit cœur de ma bonne amie palpiter dans sa poitrine, comme un jeune oiseau surpris dans le nid. Enfin, après nous être dit et répété vingt