Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/325

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Tandis que ces idées se pressaient en désordre dans mon cerveau, j’entendis sur ma droite le petit jappement espacé d’un renard menant un lièvre. J’armai mon fusil et j’attendis. Au bout d’un quart d’heure, je vis le lièvre qui venait sans se presser trop. Arrivé à la cafourche, il se planta à quatre pas de moi, et se dressant, les oreilles pointées, écouta un instant la voix du renard qui le chassait. Voyant qu’il avait le temps, il enfila un sentier, le suivit une cinquantaine de pas, puis se lança sous bois d’un bond, revint à la cafourche, prit un autre sentier, et, après avoir répété sa manœuvre une troisième fois, et bien enchevêtré ses voies, il se forlongea en repassant sur le sentier par lequel il était arrivé, puis, en deux sauts énormes, se jeta dans les taillis et disparut.

J’avais pris plaisir à le voir faire : « Va, pauvre animal, pensais-je, sauve-toi pour cette fois, mais gare à la bête puante qui te suit ! »

Je vis bientôt arriver le renard, le nez à terre, la queue traînante, tellement collé à la voie du lièvre qu’il en oubliait sa méfiance ordinaire. À vingt pas, je lui fis faire la cabriole, et, l’ayant ramassé, je le mis dans mon havresac et m’en allai.

Il était sur les deux heures du matin ; le brouillard s’était épaissi, la lune se couchait, de manière qu’il faisait très brun. Il fallait connaître comme moi les passages et les sentiers pour se diriger dans cette humide obscurité. Je