Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/347

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que l’un d’eux, ayant parlé de verbaliser, fut obligé de sauter dans les fossés, et de se sauver ayant de l’eau et de la vase jusqu’aux aisselles. Cela étant, sa ruine serait achevée par l’incendie du château, car les compagnies d’assurances, toutes nouvelles alors, étaient encore inconnues dans nos pays ; et ce serait peut-être pour cet homme orgueilleux, pour ce tyran féroce, une punition plus griève que la mort, d’être ainsi réduit à la pauvreté et à l’impuissance.

Une autre chose m’occupait. J’étais sûr que ça n’irait pas tout seul, et que le comte et ses gens ne se laisseraient pas déloger sans résistance, et je cherchais les moyens d’y arriver sans trop exposer mon monde. Tout de suite je compris que pour cela il fallait brusquer l’attaque du château endormi et la mener vivement. Je pensai longtemps à la manière dont il fallait s’y prendre, et, après avoir tout bien pesé et examiné, mon plan étant arrêté dans ma tête, j’attendis.

Le temps était doux ; la terre mouillée et attiédie fermentait. Un petit vent passant légèrement sur la friche faisait frissonner les herbes grêles et m’apportait la senteur des bois humides, des bourgeons ouverts, et l’odeur charriée de loin des buissons blancs fleuris le long des chemins. Sous l’amoncellement des énormes pierres sur lesquelles j’étais assis, un rat dans son trou grignotait quelque châtaigne de sa provision hivernale. Parfois un oiseau de nuit traversait