Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/360

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malfaisances de ce misérable. Lorsqu’on lui eut brûlé son château, le bouc de Reignac, déjà perdu de dettes, traîna dans le pays quelque temps et finit par crever de rage et de misère : ainsi se débarrassa-t-on de lui…

» Puisque vous êtes tous d’accord que j’ai le plus à me plaindre de cet homme, laissez-moi en faire justice. La plus grande punition pour lui, pire que la mort, c’est d’être ruiné, de traîner, lui si fier, si orgueilleux, une existence méprisée ; ce qui arrivera de force, car, sans le sou, il n’aura plus d’amis, attendu que les autres nobles ne l’aiment ni ne l’estiment non plus que les paysans.

Ici le comte essaya de ricaner.

— Tu le sais bien, Crozat, qu’ils ne te prennent pas pour un des leurs ! qu’ils se souviennent de ton grand-père, le porteur d’eau auvergnat !

Et je repris :

— De même que les gens de Tursac ont brûlé Reignac, il nous faut brûler l’Herm. L’abolition totale de ce repaire de bandits achèvera de ruiner ce prétendu seigneur, qui s’en ira mendier de château en château une pitié méprisante qui sera son plus grand châtiment !…

» Croyez-m’en, mes amis ! je suis d’une race où l’on s’y connaît. Du temps de Henri IV, un de mes anciens, chef d’une troupe de croquants, brûlait les châteaux des nobles, tyrans du pauvre paysan, et c’est de celui-là que nous vient ce