Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/374

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— Je n’éprouve aucun embarras à m’expliquer sur ce point. Un vieux proverbe dit :

On fait carême prenant avec sa femme, Pâques avec son curé.

J’y ajoute : « Et le sabbat avec le comte de Nansac. »

Qui le suit, mal s’en suit.

Quoique ce fût un peu tiré par les cheveux, il y eut là-dessus des rires et une grande rumeur dans l’auditoire nonobstant les vives admonestations du président. Puis, comme il était heure tarde, l’affaire fut remise au lendemain, pour le réquisitoire du procureur et la plaidoirie de Me Fongrave qui nous défendait tous.

Le lendemain on savait qu’à Paris le peuple avait battu les Suisses, la garde royale, et que Charles X était en fuite. Ces nouvelles estomaquèrent quelque peu les gens de la justice qui attendaient autre chose ; mais pourtant ça n’empêcha pas le procureur de demander ma tête avec âpreté. Ce n’était point l’homme juste qui s’élève au-dessus des hommes et des choses, qui pèse les circonstances, scrute les motifs, tient compte des événements et requiert le châtiment qui dans sa conscience lui paraît équitable : non, son métier était de me faire guillotiner, et il faisait tout son possible pour y arriver. Il assura que j’avais le crime dans le sang, témoin cet ancien à moi, pendu autrefois pour révolte et incendie, à qui je devais le sobriquet injurieux de