Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/40

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jamais je le trouvais au milieu de la forêt, par là entre La Granval et le Cros-de-Mortier, il passerait un mauvais quart d’heure !

— Reste tranquille, il nous arriverait de la peine, dit ma mère ; tu sais bien que pour ça, il n’y a pas de danger.

Mon père ne répliqua rien et se mit à regarder le feu.

À ce moment-là, moi, je ne comprenais pas grand’chose à cette conversation, et je mettais toute la colère de mon père sur le compte de la défense de chasser. Je savais bien, pour l’avoir ouï dire souvent chez nous, et à d’autres métayers du château, que M. Laborie était un homme dur, exigeant, injuste, qui trompait les pauvres gens tant qu’il pouvait, faisant sauter un louis d’or ou un écu, sur un compte de métayer, rapiant cinq sous à un misérable journalier, s’il ne pouvait faire davantage ; et puis, comme on ajoutait toujours, grand « chenassier », terme dont la signification m’était inconnue alors, et que je croyais vouloir dire autant comme : grand coquin ; mais c’était tout. Aujourd’hui, quand je pense à ce gueusard qui avait totalement englaudé la comtesse de Nansac en faisant le dévot, l’hypocrite, et qui était voleur, méchant, et « chenassier », comme disaient les gens, je ne puis m’empêcher de croire qu’il méritait ce qui arriva.

Environ quinze jours après cette conversation, tandis que ma mère triait des haricots pour met-