Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/461

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est le fléau du paysan et la ruine d’un endroit. Mais il y en a encore une autre bien grande qui est que, en outre de l’aisance, de la sécurité et de l’indépendance, la disparition du comte a rendu aux gens confiance dans la justice. Auparavant, lorsqu’ils étaient abandonnés, par les autorités et les gens en place, aux vexations et à la cruelle tyrannie de cet homme, ils disaient communément : « Il n’y a pas de justice pour les pauvres ! » Lui parti, ils ont commencé à la connaître et à la respecter. Aujourd’hui, grâce à d’autres que le pauvre Jacquou, ils savent qu’elle est pour tous, et celui qui est lésé sait bien en user. Il y en a même qui n’en usent que trop, parce qu’ils plaident pour rien, pour un mouton écorné, pour une poule dans un jardin. C’est un peu notre maladie, d’ailleurs, comme disait le chevalier :


Les juifs se ruinent en Pâques, les Maures en noces, les chrétiens en procès.


Mais au moins nos gens, dont je parle, n’en sont pas réduits, comme nous le fûmes jadis, à se faire justice eux-mêmes, ce qui est une mauvaise chose.

La comparaison du passé et du présent nous enseigne que les gens ne se révoltent qu’à la dernière extrémité, par l’excès de la misère, et de désespoir de ne pouvoir obtenir justice. Aussi ces grands soulèvements de