Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/47

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bordé, me les faisait paraître extraordinairement à craindre. Aussi, tandis qu’ils étaient là, l’un à cheval sur le banc, interrogeant ma mère, l’autre debout, appuyé sur son sabre, je me faisais tout petit dans un coin. Après qu’elle leur eut tout raconté, le plus vieux fit :

— Tout ça, c’est bien, mais maintenant dites-nous où est votre homme.

— Je ne le sais pas, répondit ma mère, mais quand même je le saurais, vous pensez bien que je ne vous le dirais pas.

— Il pourrait vous en cuire ! faites-y attention ! Voyons, il est revenu ici cette nuit ?

— Non.

— Pourtant, on nous l’a certifié.

— On vous a trompés, en ce cas.

Enfin, après avoir beaucoup tracassé ma mère, l’avoir pressée de questions, dans l’espoir qu’elle se couperait, et avoir tâché inutilement de l’effrayer, les gendarmes s’en furent, à mon grand contentement.

Le soir, sur les dix heures, un charbonnier que nous connaissions pour lui avoir quelquefois trempé la soupe chez nous, vint cogner à la porte. Ma mère s’étant vitement habillée lui ouvrit après qu’il se fût fait connaître, et lors il nous dit que mon père l’envoyait pour s’enquérir de la visite des gendarmes. Il ajouta qu’au reste il ne fallait pas s’inquiéter de lui, attendu qu’il était couché dans une cabane abandonnée, au plus épais des bois, dans un fond plein de ronces et