Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/54

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viens de le dire, était fin comme une belette, rusé comme un renard et méchant comme une guenon. Avec ça, il connaissait la forêt comme celui qui la courait toute l’année, dénichant les oiseaux, cherchant des manches de fouet dans les houx, et faisant des commissions pour les bûcherons et les charbonniers. Plusieurs fois il avait trouvé mon père et l’avait épié par curiosité maligne, mais sans pouvoir découvrir où était son gîte habituel, ce qui était difficile, au surplus, car il en changeait souvent, comme je l’ai dit.

Dans ce moment, le carnaval était proche, et, quoique d’ordinaire on s’en réjouisse, ma mère le voyait arriver avec crainte, sachant bien que son Martissou voudrait le faire en notre compagnie, et appréhendant qu’on ne profitât de l’occasion pour le prendre. Aussi lui manda-t-elle, par Jean, de ne pas venir ce soir-là, qu’il valait mieux attendre au lendemain, attendu que, le jour des Cendres, on ne se douterait de rien.

Le drole de Jansou, à qui son père avait fait le mot, pensant aussi que Martissou voudrait fêter le carnaval chez lui, s’était caché, le soir du mardi gras, dans les taillis près du carrefour de l’Homme-Mort, pour l’épier. À la nuit tombante, il l’ouït venir du fond des bois, et fut bien étonné lorsqu’il vit qu’il prenait le chemin de La Granval, au lieu de celui qui l’aurait mené à Combenègre. L’ayant suivi de loin, pieds nus, sans faire de bruit, il le